samedi 10 septembre 2016

Hommage Prince Buster





Bien moins médiatisé que le décès du chanteur Prince au mois d'avril dernier, un autre Prince, tout aussi influent, vient de nous quitter, Prince Buster.

Né Cecil Bustamente Campbell en 1938, Prince Buster était un ancien boxeur jamaïcain qui devint le garde du corps de Clement Dodd, futur propriétaire du fameux label reggae Studio One. Au début des années 60, afin d'alimenter en musique son sound system, Voice of The People, il sera le premier producteur à enregistrer du rhythm & blues jamaïcain, le titre Oh Carolina des Folkes Brothers, une chanson devenue un classique de la musique jamaïcaine et qui sera considéré comme un premiers morceaux de ska (le populaire chanteur Shaggy​ le reprendra en 1993). Prince Buster continuera son travail de production tout au long des années 60 (notamment pour les Skatalites, Toots & The Maytals ou Eric Monty Morris) tout en chantant lui-même des morceaux aux paroles teintées d'humour et de textes salaces, voire grivois. Si l'histoire a retenu son morceau 10 Commandments of Men (to woman), ultra-mysogine en apparence, il ne faut pas oublier qu'il est également à l'origine de sa réponse en produisant une version féminine (voire féministe ?) par la chanteuse Princess Buster (Ten commandments from Woman to Man).

Aux côtés de Millie Small et son tube My boy lollipop, Prince Buster deviendra l'un des premiers jamaïcains à faire connaître le ska en Angleterre dans les années 60. Même en France, Prince Buster sortira plusieurs 45 tours comme Al Capone (dans un premier temps via une reprise par les mystérieux Prince of Wales Stars). Durant la période rocksteady (1966-1968), il proposera le superbe album Jamaica's Pride sur lequel il créera le personnage du Judge Dread, un juge impitoyable qui condamnera des rude boys pleurnichards pour 400 ans (en référence à la durée de l'esclavage) avec dans le rôle d'un rude boy, son assistant, un dénommé Lee Perry. Ce morceau, Judge Dread, inspirera son nom à un artiste de ska anglais, le fameux Judge Dread (le Benny Hill du reggae ?) qui lui-même inspirera une bande dessinée, Judge Dredd. Au début du reggae (1968), Prince Buster sort les fabuleux albums She was a rough rider et Wreck a pum pum aux paroles hautements explicites, et ce malgré sa conversion à l'islam en 1965 suite à sa rencontre avec le boxeur Mohamed Ali. Parmi les titres de ces LP: Rough rider, Wine and Grind, Wreck a pum pum (basée sur la comptine de Noël Little drummer boy aka L'enfant au tambour), sa version féminine Wreck a buddy par les mystérieuses Sexy Girls (qui inspirera le titre Wreck a buddy des Soul Sisters de Nora Dean que l'on entendra brièvement dans le film Rude Boy des Clash). Après un album dub en 1972 et une apparition dans le mythique film The Harder They Come pour introduire une chanson de Jimmy Cliff, il se retire peu à peu du monde de la musique.

La fin des années 70 le voit revenir sur le devant de la scène à travers le revival ska anglais 2-Tone: le tube One Step Beyond de Madness​ est une reprise de Prince Buster (Madness est également le titre d'une chanson de Prince Buster), tout comme le Rough rider et le Whine and Grind de The Beat ainsi que de nombreux titres du groupe The Specials qui sont basés sur ses morceaux (Gangsters d'après Al Capone, Too hot, Enjoy yourself ou Stupid Marriage d'après le précédemment nommé Judge Dread), et leurs successeurs lors du revival ska de la fin des années 90 (les allemands de Dr Ring-Ding & The Senior Allstars avec le titre Madness ou plus proche de nous Tim Armstrong de Rancid au sein de son projet Tim Timebomb qui s'attaquera à 30 pieces of silver). Parmi les autres reprises de Prince Buster, Daddy Nuttea s'appropriera le titre 10 Commandements en s'inspirant des paroles du titre Judge Dread sur son second album, Retour aux sources, un très bon disque de raggamuffin français (par la suite, Nuttea connaîtra un succès grand public avec l'album plus consensuel Un signe du temps et des morceaux comme Elle te rend dingue ou Elles dansent). Plus récemment, la chanteuse Amy Winehouse​ a repris le standard américain Our day will come dans une version reggae probablement inspirée par celle du groupe The Heptones​, une version commercialisée au début des années 70 par Prince Buster.

Alors qu'il rééditait régulièrement ses productions et ses albums (notamment via le label anglais Jet Star ce qui fait qu'on pouvait facilement en trouver y'a quelques années même le lundi dans les FNAC de banlieue) et que ses premiers morceaux tombaient dans le domaine public au grand bonheur de certains labels les proposant sur des compilations à bas prix, il s'éteint à Miami le 8 septembre 2016 à l'âge de 78 ans.

Pour se procurer des skeuds du Prince, 2 excellents magasins parisiens en proposent régulièrement dans leurs bacs: Patate Records et Le Silence de La Rue.
Sinon, pour en savoir plus sur Prince Buster, je ne peux que conseiller la lecture du chapitre que Yannick Maréchal lui a consacré dans le Tome 2 de son superbe pavé Jamaica Session.